Ces libérateurs qui ont mis le feu à mon paradis

Publié le 28/04/2010 à 10:58 par ekyihugho

Le crépuscule approche. Comme d'habitude, à l’époque dite de "pré-libération" en République Démocratique du Congo (RDC), c’est-à-dire les années d’avant l'avènement de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre, AFDL en sigles, c’est l’heure du démarrage du point de rassemblement convenu à la périphérie de la ville de Butembo pour ravaler, à pieds, plusieurs dizaines de kilomètres qui séparent ces élèves vacanciers d’une quelconque des agglomérations rurales où certains d'entre eux vont passer les vacances de Noël ou de Pacque. Tout au long de ce voyage nocturne, l’ambiance est bon enfant. Rien à craindre dès lors qu’on ait une lampe torche avec soi. Le jour suivant dans la matinée, nos marcheurs nocturnes atteignent leur destination. Sans encombre, ni anicroche. Là-bas, les mots cadenas, verrou, ou encore serrure, n’existent pas dans le vocabulaire. On pousse simplement la porte et on entre.

 

Au même moment de la même époque, les bus reliant les villes de Butembo et de Goma démarrent. Le lendemain, après avoir roulé durant toute la nuit avec un bref repos à Kanyabayonga, cité adjacente au Parc National des Virunga, voilà la ville de Goma qui se découvre peu à peu tel un océan de paix réduit en une piscine géante dont les eaux semblent posséder une propriété thérapeutique contre le stress et l’ennui. En cours de route, règne un havre de paix: l’ambiance du marché aux légumes de Kitsombiro avec ses succulents gâteaux, les bons restaurants de Kanyabayonga aux mets variés où l’arrêt était quasi obligatoire, les savoureux tilapias braisés de la Rwindi, le beau paysage du Parc National des Virunga où l’on contemplait, voire côtoyait, des animaux sauvages tels les gazelles, les girafes, les primates, les éléphants, même  les lions. Bref, l’atmosphère grouillait de paix.

 

Vinrent les guerres successives de libération. De qui, de quoi libère-t-on le Congolais? De Mobutu Sese Seko, de la dictature, nous a-t-on appris en 1996 à l’époque de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre). De Laurent-Désiré Kabila, de la « katanguisation » du pouvoir, nous a-t-on laissé entendre en 1998 à l’époque du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie)et mouvements armés dérivés, MLC (Mouvement de Libération du Congo) et consorts. Sachant que Mobutu et LD Kabila ne sont plus de ce monde depuis respectivement 1997 et 2001, - que leur âme repose en paix! -, et que la RDC se soit dotée d’une Constitution et d’institutions démocratiques issues d’élections libres et transparentes depuis 2006, l’état de guerre perpétuelle entretenue et imposée aujourd’hui aux Congolais prouve que les motifs de ces guerres successives, la dernière en date étant celle du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple), sont ailleurs.

 

D’aucuns parlent de motifs économiques pour l’exploitation illégale des ressources minières de la RDC, tels le coltan, la cassitérite, le diamant, l’or, et que sais-je encore; d’autres parlent de velléités expansionnistes des certains dirigeants des pays voisins dont la démographie explosive nécessite un exutoire pour déverser le trop-plein de leur  population.Enfin, il y a les allégations selon lesquelles un Etat ou un Empire monoethnique serait en cours de création à l'Est de la RDC. Exit le peuple non apparenté à cette ethnie privilégiée. Le déroulementdes faits semble donner raison aux uns et aux autres. Les déclarations et agissements de certains dirigeants occidentaux corroborent avec les activités sur terrain.

 

La manière dont sont menées les opérations UMOJA WETU, KIMIA 1, 2 …, est une preuve que des lobbies nationaux et internationaux s’emploieraient activement à la détérioration toujours davantage de la situation sécuritaire en RDC. Les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), soi-disant cibles de ces opérations, ne sont pas inquiétés outre mesure ni poursuivis dans leurs maquis. Comment ces FDLR, dont les effectifs ne dépassent pas 6000 combattants selon les experts, peuvent-ils tenir tête, pendant des années, à trois forces armées réunies, FARDC, RDF et MONUC? Surtout que l’une de ses armées est vantée comme étant l’une des plus puissantes d’Afrique! À la place, ce sont les paisibles citoyens, y compris les enfants, qui sont ciblés et tués chez eux à la maison sur toute l’étendue de la province du Nord-Kivu avec une rare violence en territoires de Beni et de Lubero.

 

Les preuves à ce sujet sont légion. Les incendies des maisons avec leurs occupants, les assassinats dans les villes, les villages et sur les routes. Aucune enquête n’est diligentée pour identifier les auteurs de ces actes qui souvent opèrent en tenue militaire des FARDC. Lorsque, d’aventure, certains sont arrêtés, ils sont extraits de force et de jour de leur lieu de détention par des gradés de l’armée régulière. La libération de 5 criminels de la prison centrale de Kakwangura à Butembo, le 24 Décembre 2009, par un officier militaire des FARDC(1), donne un aperçu général du genre d'activités que mènent les forces armées dites de la RDC contre la population congolaise. C’est de la haute trahison! Ceci confirme les informations selon lesquelles un agenda caché serait en cours d’exécution avec la complicité ou, simplement, l’impuissance des autorités politiques congolaises.

 

De là, l’on constate que le Congolais est en réalité, chaque jour davantage, libéré de la paix, de la tranquillité, de l’épanouissement individuel et collectif, de la richesse, dont il n’a pas droit, selon nos libérateurs appuyés par la communauté internationale. Pour preuve.

 

On ne peut plus se permettre une promenade vespérale à deux pattées de maisons de chez-soi, sinon l’on se retrouve dans l’au-delà avec l’aide des forces de l’ « ordre » qui ont si bien appris à exécuter les civils, sans sommation. Voyager par route est semblable à une prise de poison sans antidote. Emerger dans la société est d’office une condamnation à mort.

 

Le Kivu, cette partie du pays, où voyager était un réel plaisir, où le clair de lune était mis à profit pour esquisser un pas de danse, siroter un verre de limonade en compagnie d’amis ou faire une conquête amoureuse, est aujourd’hui en proie à l’insécurité, une insécurité entretenue par ceux-là même qui ont la charge de préserver la paix et la sécurité, une insécurité qui se porte bien, très bien. Oui, ces libérateurs pyromanes, ces assassins, ont mis le feu à mon paradis.

 

Ainsi, invitons-nous le peuple congolais à la résistance, à ouvrir l’œil et le bon, afin que ce paradis ne devienne jamais l’enfer que nos ennemis s’emploient à nous imposer.

 

(1) http://www.benilubero.com/index.php?option=com_content&task=view&id=1757&Itemid=2 

 

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